Palo Alto, Californie, une heure du matin par une nuit limpide et glaciale de décembre, le 8 probablement.
L’homme entre par la fenêtre, la femme lui fait face assise, tranquille, dans son fauteuil. Elle le regarde mi-amusée, mi-hautaine.
A sa vue, son désir de la posséder réapparait. Non pas jouir de son corps, mais se fondre dans son âme. Hors de ce but, tout lu a paru vain ces dernières années. Quand l’a-t-il abandonnée déjà ?
Le feu crépite dans la cheminée.
Il craint son regard qui éclaire sa vanité.
« Tu crois, toi, qu’on peut se tenir droit quand tout va de travers ? » (1)
Elle joue de nouveau avec lui, cherchant la Vérité quand lui poursuit l’Amour.
« En tous cas, on a une tenue ; droite, peut-être pas » souffle le feu.
Sa présence lui devient insupportable. Il sort son arme et la pointe.
La femme continue de sourire, le feu à rire. Il tire. « A quoi bon mourir ? » crie-t-elle au fond de lui.
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35 ans de métier dans la police, cette matinée a pour lui un air de déjà-vu.
Quand il pénètre dans la pièce, il jette un coup d’œil rapide au cadavre allongé. Edith Piaf chante en boucle « Non, rien de rien, non je ne regrette rien ».
Il éteint la chaîne hifi et remarque alors les pieds nus du cadavre. A l’instant où il aperçoit la tâche sur la cheville, il comprend que cette journée ne sera pas comme les autres : son fils à qui il avait tant appris à vivre gît là pour lui apprendre comment on meurt.
« Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide » Albert Camus, Le mythe de Sisyphe
(1) Ce texte de fiction a été rédigé à la manière d’un rêve, en laissant s’exprimer un imaginaire inconscient à partir de faits réels. La question a été posée par Nora dans ce billet http://www.noragaspard.com/hors-jeu/ et la réponse formulée par Paloma http://www.rootofdesire.blogspot.com//