Le Chemin de Montaigne (GR89)

Le 13 août 2021, au pied de la cathédrale de Lyon, je prenais le départ d’une randonnée appelée Chemin de Montaigne. Il y avait chez moi le désir de partir sur les routes à pied avec un sac à dos comme seul bagage, le plus léger possible. Séjournant à Lyon au mois d’août, c’est le nom de Montaigne qui m’a incité à emprunter ce chemin. Joindre la spiritualité à la marche n’était pas pour me déplaire ; étant agnostique, Montaigne prenait la place dans mon imaginaire de Compostelle. Je venais, en outre, d’écouter le podcast d’Antoine Compagnon, un été avec Montaigne1. Toutes les planètes étaient alignées, il me suffisait de les suivre.

Je pensais alors m’engager sur une petite randonnée du département du Rhône ; chemin faisant, j’ai compris qu’il s’agissait d’un chemin de grande randonnée qui me mènerait jusqu’à Bordeaux. Cette année-là je ne faisais que trois étapes pour ne pas m’éloigner trop de Lyon. L’année suivante, mon fils m’a rejoint et après un petit galop d’essai, trois étapes de nouveau, nous avons décidé de poursuivre jusqu’à Bordeaux en faisant chaque été quelques étapes ; pour ses 18 ans, nous atteindrons Bordeaux, la ville dont Montaigne, dont nous suivons les traces, venait de devenir maire.

Nous avons à ce jour parcouru 156 km et sommes à environ 450 km de Bordeaux. Nous avons fait 11 étapes, dormi dans 6 endroits différents, transité par 3 gares.

Cette page retrace nos étapes, quelques photos souvenirs et les gites qui nous ont accueillis. Car davantage que la marche, ce sont les surprises, les rencontres qui font le sel du chemin. La carte ci-dessous retrace le chemin total parcouru jusqu’à présent avant de détailler chaque étape.

Liste des Étapes

Étape 1: Lyon – Chaponost (10,7 km) – 13 août 2021

Le mercredi 15 de novembre 1581, je partis de Lyon après dîner, et par un chemin montueux, vins coucher à La Bourdelière, cinq lieues, village où il n’y a que deux maisons.

Montaigne, Les Essais

Première étape courte car faite en fin de journée. Le chemin a été entamé de manière légère, avec un certain amateurisme. Par exemple la Ninkasi, bière emblématique de Lyon, était là pour fêter la sortie de la capitale des Gaules. Cependant elle a alourdi le sac et l’alcool ne fait pas bon ménage avec la marche : à oublier pour la prochaine étape. Celle-ci s’est terminée du coup à la nuit : seconde leçon du jour, une lampe torche à l’avenir serait plus utile qu’une bière dans le sac à dos. Heureusement, j’ai fini par trouver la Chambre d’hôte Chez Colombine pour cette première nuitée.

(1) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/un-ete-avec-montaigne

Étape 2 : Chaponost – Pollionnay (19,4 km) – 14 août 2021

La seconde étape a commencé avec tout autant d’amateurisme. Leçon dès le petit-déjeuner pris : toujours regarder avec attention le plan détaillé. Cela évitera de se faire conduire gentiment par l’hôte sur deux kilomètres en voiture jusqu’à un point de départ pour refaire deux kilomètres à pied déjà faits la veille, dans le noir certes ! Mais même dans le noir, la porte de la ville se reconnaît. A Brindas, le bar PMU était vraiment très accueillant pour une halte au frais. Au cours de la matinée, à force de voir ce petit symbole blanc-rouge, j’ai compris que nous étions sur un chemin de grande randonnée. J’ai rencontré mon premier banc, grand ami du randonner. Par contre l’alcool, en l’occurrence le verre de rosé, même s’il n’est pas transporté dans le sac à dos, ne fait vraiment pas bon ménage avec le randonneur quand il reste 7 kilomètres à parcourir par plus de 30 degrés. Heureusement il y a les petits cours d’eau pour se tremper les pieds et se réveiller avant d’admirer les paysages des monts du Lyonnais que nous venons de commencer de traverser. Nous ne sommes qu’à vingt kilomètres de Lyon et pourtant le sentiment d’être dans un autre coin de la France. A l’arrivée, la piscine de chez Danièle, mon hôte Airbnb, était très apprécié. Danièle qui fait partie de la famille des « grands randonneurs » m’a conté ses anecdotes que tout grand randonneur qui se respecte a en réserve. Elle m’a également donné ses petits trucs pour éviter les ampoules. Je crois que c’est Danièle qui a mis le premier germe de cette idée saugrenue de remettre le couvert chaque année en me mettant dans les pas de Montaigne.

Étape 3 : Pollionnay – Sain Bel (8,2 km) – 15 août 2021

Troisième et dernière étape que je pouvais faire cette année-là qui m’oblige à m’éloigner du sentier du GR89 pour aller chercher une gare de train à Sain Bel et ainsi revenir sur Lyon. Déjà Pollionnay m’avait écarté de la route depuis Montferrat et je n’ai pas parcouru les 3,3 derniers kilomètres de l’étape jusqu’à Saint-Bonnet le Froid. De même je ne parcourrai pas les 10,8 km de l’étape de Saint-Bonnet le Froid jusqu’à Brussieu. L’année prochaine en repartant de Sain Bel et éviter un trop grand détour, je récupèrerai la route du GR à Brussieu. Le détour m’aura cependant permis de découvrir le site de la Mine de Saint-Pierre la Palud. Juste avant je me suis extasié devant la croix du col de la croix du ban. Je découvrirai bientôt que les croix rythment avec bonheur le chemin de Montaigne. Je craignais de ne pas voir âme humaine un 15 août mais le bar-restaurant central de Saint-Pierre la Palud m’attendait bien ouvert pour une halte agréable. A l’arrivée, comme tout bon randonneur qui se doit, pas rasé et l’air un peu fatigué.

Étape 4 : Sain Bel – Saint-Laurent-de-Chamousset (19,9 km) – 13 août 2022

Nous repartons de Sain Bel un an plus tard, quasiment jour pour jour, de nouveau pour trois. Cette fois-ci Axel qui a 10 ans cette année-là est du voyage. Nous sommes d’abord obligés de prendre des routes peu propice à la flânerie pour rejoindre le circuit du GR89 à Brussieu. Heureusement, nous arrivons à un moment à nous écarter de la grande route, ce qui nous permet de découvrir Bessenay où nous faisons une halte. Cette fois-ci la leçon a été retenue, ce sera une eau gazeuse comme boisson ! Heureusement car la chaleur est étouffante ce jour-là malgré des passages à l’ombre par moment où nous nous autorisons une courte sieste. Je n’ai pas réussi à trouver une halte à proximité de Saint-Laurent de Chamousset, alors c’est Johny qui viendra nous chercher. Johny nous accueille avec Marie dans leur fermette Les Uns les Z’Hôtes à Saint-Barthélémy Lestra qui est l’arrivée de l’étape du lendemain. Nous dormirons donc deux nuits chez eux. Les deux derniers kilomètres pour retrouver Johny, à proximité d’un garage et sa jolie fresque, sont « de trop ». La journée a déjà été épuisante, nous le paierons le lendemain. Nouvel apprentissage, avec un enfant ne pas prévoir beaucoup plus de 15km par jour pour profiter de la route et ses à-côtés. Heureusement, la table de Johny et Marie va nous aider à reprendre des forces et nous apprendre les coulisses du Chemin de Montaigne.

Étape 5 : Boucle à partir de Saint-Barthélémy Lestra (11,4 km) – 14 août 2022

Les prévisions des anciens sont têtues, au 15 août il fait orage. Nous n’y coupons pas. Note pour l’année prochaine, essayez de partir une semaine plus tôt car l’orage est l’ennemi du randonneur. Je renonce à faire l’étape qui était prévue, non pas à cause de la pluie qui comme chacun le sait n’arrête pas le pèlerin, mais à cause du danger que représente la foudre, surtout si elle vous trouve en forêt. Nous essayons cependant lors d’une éclaircie de faire l’étape à l’envers. Johny viendra de nouveau nous récupérer si nous arrivons jusqu’au bout. Mais les orages reviennent au bout d’une heure et demi, nous rebroussons chemin par la « grande » route. Après avoir désespéramment tenté de faire du stop, nous finissons au pas de course pour ne pas recevoir les premières gouttes. A tout malheur il y a quelque chose de bon, je tire de cette expérience une de mes photos préférées depuis le début du chemin : Axel courant sur le chemin qui avance droit vers l’orage. Cette journée m’aura permis d’autres clichés que j’affectionne que ce soit les couleurs du ciel, la faune ou la flore. Pour terminer cette journée, nous sortons le jeu de cartes pour entamer une réussite, l’amie des randonneurs par jour de pluie. Au cours de ces deux soirées, Johny et Marie nous ont conté leurs aventures de randonneurs. Après ma rencontre avec Danièle l’année précédente, les moments de convivialité avec Johny et Marie ont fait renaître cette évidence : je ne pourrai plus m’arrêter avant Bordeaux.

Étape 6 : Saint-Barthélémy Lestra – Feurs (13,2 km) – 15 août 2022

En ce dernier jour de marche pour 2022, nous laissons les orages derrière nous et très rapidement s’étale devant nous la plaine de Feurs et monts du Forez dont nous entamerons la traversée l’année prochaine. Pour l’heure nos pas nous réserve la surprise du très beau village de Salt-en-Donzy à la croisée des voies romaines, avec son apaisante église romane. Juste au-dessus se trouvent les ruines du château de Donzy qu’une association locale a déjà bien en valeur pour le plaisir du pèlerin. Nous quittons l’esprit des moines qui « habitent » encore ce lieu pour nous diriger vers Feurs où le train nous attend. En avance nous prenons un petit acompte sur l’année prochaine en faisant un petit tour de Feurs et nous arrêter devant l’église Notre-Dame de Feurs. L’étape raccourcie de la veille m’a permis de me raser mais cela me semble inutile, l’année prochaine pour alléger le sac à dos, le rasoir ne sera pas du voyage. Le retour en train fait partie du charme du parcours, le changement à Roanne est l’occasion de derniers clichés.

Étape 7 : Feurs – La Loge (14,7 km) – 7 août 2023

De là, le jeudi matin, fîmes un beau chemin plain, et sur le milieu d’icelui près de Feurs, petite villette, passâmes à bateau la rivière de Loire, et nous rendîmes d’une traite à….

Montaigne, Les Essais

Nous reprenons la route, ou plutôt le train pour commencer, un an après moins une semaine, le 7 août, pour éviter les orages du 15 août ! Nous démarrons sous un ciel clément, le soleil d’été dans un ciel parsemé de nuages qui nous font marcher la tête en l’air comme le petit Prince à chercher un mouton. Les températures sont modérées, idéales pour la marche, les nuits sont même assez fraiches, il faut une petite laine pour les premiers kilomètres du matin. Au sortir de Feurs, nous avons la surprise des magnifiques bords de Loire que nous longeons avec Jean-Louis Murat en tête.

Si je devais manquer de toi,
Autant me priver pour toujours,
Des bords de Loire au point du jour,
De la douceur de ton amour.

Jean-Louis Murat, Si je devais manquer de toi

Après avoir remonté la Loire sur quelques kilomètres, nous attaquons la longue traversée de la plaine qu’elle a creusé, elle va nous faire marcher pendant deux jours avant d’attaquer les premières pentes du Forez. Notre route n’est animé que de maisons que des propriétaires ont laissées là sans la clé, et des supporters parfois surprenant en bord de route. Juste avant l’arrivée, comme pour nous remercier, la route nous dévoile de domaine des Périchons et ses gardiennes en forme de Sphinx. Pour nous réconforter la piscine du domaine de la Loge, mais aussi ses chauffes plats solaires et la rencontre avec des curieux noms de personnage sur les chambres : Astrée et Céladon. Nous nous endormons à leur pied en ignorant que nous venons d’entrer sur leur terre.

Étape 8 : Feurs – Trelins (16,9 km) – 8 août 2023

La nuit a été fraiche, nous attaquons, la polaire sur le dos, la suite de la traversée de la plaine de Feurs. Une traversée où le chemin plat de devrait pas présenter de difficulté et où il ne devrait pas se passer grand chose. Nous pouvons donc nous laisser aller à observer la faune et la flore, les moutons qui continuent de nous suivre dans le ciel et les endroits insolites comme cette chaise longue qui nous tend les bras au milieu de nulle part et nous rappelle le tube de l’été des Wet Legs.

Première surprise, croiser le Mont d’Uzore. Nous sommes encore loin de la chaîne des Puys mais nul doute, il s’agit bien d’un volcan qui comme le désignait l’auteur d’Astrée et Céladon est « est comme une pointe dans le milieu de la plaine ». C’est sur une autre butte volcanique que se dresse le prieuré de MontVerdun dont la traversée nous donne l’occasion d’admirer les premiers contre-forts du Forez que nous allons traverser. Ils sont façonnés par Le Lignon que nous enjambons. Il est bien connu que l’eau et la rivière notamment porte l’âme à la poésie. Ce n’est pas Gaston Bachelard qui me contredirait. La passerelle du Lignon comportait différents textes qu’un pèlerin-poète a un jour déposé là.

Doux bruit d'eau
Percée du soleil dans la nuque
Joie du rossignol
Le long de son cours
Humide malgré l'été
L'ombre et le silence

D’un bord à l’autre bord j’ai passé la rivière,
Suivant à pied le pont qui la franchit d’un jet
Et mêle dans les eaux son ombre et son reflet
Au fil bleui par le savon des lavandières.

J’ai marché dans le gué qui chante à sa manière.
Étoiles et cailloux sous mes pas le jonchaient.
J’allais vers le gazon, j’allais vers la forêt
Où le vent frissonnait dans sa robe légère.

J’ai nagé. J’ai passé, mieux vêtu par cette eau
Que par ma propre chair et par ma propre peau.
C’était hier. Déjà l’aube et le ciel s’épousent.

Et voici que mes yeux et mon corps sont pesants,
Il fait clair et j’ai soif et je cherche à présent
La fontaine qui chante au cœur d’une pelouse.

Robert Desnos

C’est juste après le Lignon et ces vers de Desnos que nous découvrons que nous foulons les terres de la famille d’Urfé qui ont servies de décors au roman à feuilleton l’Astrée écrit par Honoré un des membres de cette famille. C’est l’un de plus grand succès du XVIIème siècle qui influença jusqu’à Molière et que nous avons présent beaucoup oublié. Nous en apprenons sur les personnages de ce roman tout en cheminant quand la fatigue du chemin soudain assaillit mon jeune compagnon de route. Nous nous posons près d’un étang au bord du Forezestival que des bénévoles courageux nettoie après un week-end de liesse et du musique, non loin également d’un ancien Moulin à eau que d’autres bénévoles ont contribué à faire renaître pour produire de l’énergie. De la brioche et du chocolat redonne du baume au coeur aux randonneurs découragés ; l’excellente cuisine de l’Eveil des Sens où nous passons la nuit finira de nous requinquer. Finalement il s’en passe des choses pour une journée où il ne devait pas se passer grand chose ! Un dernier coup d’œil sur la plaine parcouru, au loin Montverdun est tout petit, demain nous commencerons à prendre de la hauteur.

Étape 9 : Trelins – Débats Rivière d’Orpra (13,8 km) – 9 août 2023

Une étape en serpentant le long du Lignon qui est d’abord guidée par les jolies fresques de Boën-sur-Lignon. Sa gare marque aussi depuis Lyon la fin de civilisation ferroviaire, au-delà les rails ne sont plus que buissons comme nous l’observons en les enjambant. Jusqu’à Noirétable nous longerons ce qui fut jadis une voie de chemin de fer en foulant ainsi l’évolution des sociétés dans le temps. A la tristesse que j’éprouvais alors se définit le mot progrès. Boën est aussi en quelque sorte le lieu de naissance du GR89, Chemin de Montaigne. Il est vrai que les terres d’Astrée et le Lignon porte à la rêverie et à la méditation en marchant.

Les rivages du Lignon ont des ombres fresches et si plaisantes, qu’il est impossible de s’y ennuyer. On y voit l’onde claire et nette, si peuplée de toute sortes de poissons, qu’à peine se peuvent-ils couvrir de l’eau. Vous y entendes mille sortes d’oyseaux, qui de proches boccages font retentier leur voix avec mille echos. Il y a des fontaines si fresches et claires, qu’elles convient les moins alterez d’en boire.
-Bref luy dis-je en sousriant, on y rencontre des plus belles et agreables Bergeres de toute la contrée. -Il est vray, me dit-il, et tout cela ne vous doit-il pas convier d’y aller ?

Honoré D’Urfé, L’Astrée, II.7.296

En cours de route je rencontre mon animal totem qui va me suivre pendant tout le reste de la route : un papillon Tabac d’espagne ou Cardinal. La rencontre se fait au moment où nous commençons à prendre de la hauteur, hauteur qui nous permet d’admirer les vallées creuser par l’eau et le temps. Peu de temps après se dresse, bâti sur un éperon rocheux, le château de Couzan. Nous n’y monterons pas, les forces nous manquent et la chaleur nous accable. Le randonneur qui ne dort pas comme Rimbaud à la belle étoile, marche sans cesse en équilibre entre flâner et avancer vers gîte. Bienvenue sous cette chaleur, Sail-sous-couzan est une antique ville d’eau. Antique car, à la manière des temples grecs, les vestiges de son lustre passé s’étalent, écrasés sous le poids du temps. Devant eux, je dois ressentir un peu de ce que ressentais Camus devant les ruines de Tipasa. Parmi ses ruines erre le fantôme d’Aimée Jacquet qui a fait ses premières armes ici. C’est l’occasion de faire avec mon jeune compagnon l’archéologie d’un football que les moins de 25 ans ne peuvent pas connaître. Tout est prétexte à discussion le long de la route, il n’y a pas de sujet tabou et le monde qui s’offre à nous est un sujet inépuisable. Après Sail-sous-Couzan les photos se font plus rares. La fatigue, la chaleur…. juste un cliché sur une vallée encaissée au moment de reprendre quelques forces avant d’arriver à Débats-Rivière d’Orpra. Là nous attends un chauffeur qui nous conduira jusqu’à Saint-Didier sur Rochefort. Nous n’avons pas réussi à trouver de gîte à l’arrivée de cette étape, alors nous avons opté pour deux nuits à Saint-Didier. Notre chauffeur est d’une grande amabilité et connaît la région par coeur, il nous fait visiter son pays jusqu’aux trois temps. Cependant, je vais me rendre compte que ce parcours va gâcher en partie l’étape du lendemain en nous enlevant de la surprise, sans compter sur l’utilisation d’une voiture qui me laisse toujours un goût amer. L’année prochaine je bannis cette option, nous trouverons un gîte à chaque fin d’étape. Aux trois temps l’accueil est comme celle de notre chauffeur, extrêmement chaleureuse et généreuse. Commerce principal du village nous allons participer un peu au rythme de ce bourg tout en nous régalant de la cuisine familiale.

Étape 10 : Débats Rivière d’Orpra – Saint-Didier-sur-Rochefort (12,1 km) – 10 août 2023

La journée d’hier n’a pas été trop éprouvante et nous attaquons celle-ci, ramenés en voiture par Lætitia à notre point d’arrivée de la veille, à une allure modérée qui nous laisse le temps d’admirer la flore et à mon compagnon de trouver son animal totem, une jolie coccinelle qui ne veut pas lâcher son bras. L’étape du jour aurait pu s’appeler « la route de Rochefort », tant l’ensemble des lieux traversé se définissent par rapport à ce village qui les domine tous. Nous arrivons ainsi tranquillement, sous un ciel un peu chargé, l’Hôpital sous Rochefort où Montaigne avait fait sa deuxième halte en partant de Lyon.

[…], et nous rendîmes d’une traite à l’Hôpital, huit lieux, petit bourg clos.

Montaigne, Les Essais

Le chemin vallonné nous permet de garder en image un souvenir de l’Hôpital, ce petit bourg clos, en entier, en poursuivant notre route vers Rochefort. La route surplombe également le village de Saint-Laurent sur Rochefort qui nous permet d’ajouter un élément supplémentaire à notre tableau de chasse photographique des églises romanes. En approchant de Rochefort, je me prête au jeu de la pause photo Instagram, le randonneur #sansfiltre. Après Rochefort, le ciel de dégage, et la silhouette de son église nous suivra longtemps tandis que nous poursuivons vers Saint-Didier-sur-Rochefort, jusqu’à disparaître dans un dernier tournant. Peu après, la chaleur nous fait bientôt manquer d’eau, quand apparaît un petit hameau habité dans lequel un couple très accueillant nous remplit nos gourdes d’eau fraîches, anecdote qui me rappelle qu’il ne sert de rien de courir devant l’heure, la vie nous apportant en temps et en heure ce dont nous avons besoin. Ainsi rafraîchis nous nous attardons pour quelques clichés dans ce hameau fort accueillant. Un peu plus loin, malgré la fatigue des 4 jours de marche qui se fait sentir, nous trouvons encore la force de nous amuser de spectateurs au faciès peu reluisant qui préfèrent visiblement leur auge aux deux randonneurs qui viennent perturber la monotonie des lieux. Un dernier coup d’œil derrière nous qui nous montre dans le lointain la ligne de crêtes des monts du Lyonnais et par derrière notre point de départ Lyon, et nous voilà à Saint-Didier. J’abandonne mon compagnon aux Trois temps et profite de la fin de journée pour parcourir le village, son église, son petit « chemin de ronde » avec ses rosiers qui domine les jardins descendant vers le Grand Ris, et sa chapelle Saint-Roch.

Je garde encore aujourd’hui un sentiment de sérénité joyeuse des deux soirées passées au Trois Temps, un endroit hors du temps, où malgré toute la modernité du lieu se respire encore le parfum des fêtes passées. Les solidarités entre les villageois de ces endroits reculés ont évolué mais sont toujours présentes. Elles offrent au pèlerin de passage un havre de paix et de ressourcement, l’invitant au moment où son voyage touche à sa fin à prévoir de repartir sur les routes le plus rapidement possible.

Étape 11 : Saint-Didier-sur-Rochefort – Noirétable (15,4 km) – 11 août 2023

Nous repartons de Saint-Didier-sur-Rochefort sous un ciel agréable où flottent les moutons. Ils nous aident à oublier la douce mélancolie de la fin du voyage qui monte doucement. L’atmosphère s’alourdit devant la chapelle des Anges, lieu de mémoire de la résistance du Livradois-Forez. L’endroit conjugue les extrêmes de la plus profonde sérénité d’un lieu sacré en bordure de forêt et la plus forte violence contre laquelle des hommes ont donnée leur vie pour que nous conservions notre part de soleil. Juste après se profilent les sommets et vallées derrière lesquels se cache Noirétable, étape ultime de cette cuvée 2023. Je regarde mon jeune compagnon marcher d’un pas décidé dépassant les croix qui continuent de jalonner notre voyage. Nous retrouvons la voie ferré désaffectée que nous avions laissée à Boën. Elle mène jusqu’à la gare de Noirétable toute aussi désaffectée, les départs se faisant à présent en bus au cœur du village. A Noirétable, nous sommes à la limite de mon monde d’enfant. Ayant grandi dans la plaine de Limagne, le Forez était ma frontière visuelle naturelle à l’Est. Noirétable en était la ville la plus symbolique dont j’imaginais en lisant ses faits divers et ses foires dans La Montagne, sans jamais l’avoir jusqu’à ce jour. Le trajet retour se fait en voiture, mon père s’étant fait un devoir de venir chercher les randonneurs exténués comme vous pouvez le constater sur la photo au Puy des Portes. Mais un sentiment de frustration me gagne comme lors de du trajet en voiture vers Saint-Didier. Outre le fait de découvrir les paysages à l’avance (que j’oublierai d’ici l’an prochain), le trajet solitaire en train ou en bus permet au randonneur de « digérer » le chemin qu’il vient de parcourir, comme une transition vers le retour à une civilisation dont il s’était éloigné. Et toute l’affection et l’attention de celles ou ceux qui viennent nous aider en voiture ne peuvent remplacer le temps qui s’écoule au rythme des pas ou le roulis de la route ou des rails. C’est décidé l’année prochaine nous reviendrons en bus.

Le Puy des Portes était le point d’arrivée de l’étape sur le Chemin de Montaigne. Pour retrouver la gare la plus proche nous sommes redescendus vers Noirétable. Juste avant la fin d’étape, au lieu-dit La Poste, le parcours nous indiquait Bordeaux à 450 km. C’est à cet endroit que nous nous sommes faits la promesse d’aller jusqu’au bout. Un rapide calcul de nos capacités de marche par an nous indiqua que nous arriverions au château de Montaigne pour les 18 ans de mon jeune compagnon. Il pourra alors poursuivre la route tout seul.

Nous serons de retour à Noirétable le 5 août 2024 pour aller cette année jusqu’à Clermont-Ferrand !

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